TOUS
LES FILMS ONT LA MÊME FIN Tous les films ont la même fin. Le constat est violent. Provocant aussi. L’affirmation paraît absurde. Pourtant, pour le spectateur, tous les films ont la même fin : ils commencent, se déroulent, puis s’arrêtent.
Cyrille, quant à lui, découvre les Beatles à l’âge de 8 ans. Il trouve ça
pas mal, et décide de faire de la musique. Plus tard viendront les Clash,
Weezer, Ben Folds Five, Daniel Johnston… Il opte d’abord pour la batterie et
commence à taper sur des barils d’Ariel. Très vite, c’est le succès. Les
tournées mondiales s’enchaînent, les fans s’ouvrent les veines, les colis
piégés encombrent sa boîte aux lettres. Mais la lassitude s’installe. A
quatorze ans, Cyrille se remet totalement en question et se tourne vers la
guitare que son frère lui a offerte pour Noël. Il prend ses premiers cours
alors qu’il est encore au lycée (pas les derniers semble-t-il, car aux
dernières nouvelles, il en prend toujours). |
C’est aussi à cette période qu’il découvre la basse, qui devient son instrument de prédilection. Entamant des études d’anglais à la fac, il suit parallèlement des cours dans des écoles de musique telles que Jazz à Tours, puis l’American School of Modern Music à Paris. Oscillant avec un égal plaisir entre des formations jazz (the Big Nowhere) et des groupes franchement plus rock (Margot), voire post-punk (Marousse), Cyrille cherchait, depuis longtemps déjà, un partenaire avec lequel il pourrait arpenter des chemins plus personnels, au-delà de son rôle de bassiste.
Quelques jours après leur rencontre, sans plan de bataille, les deux garçons
se mettent au travail. Semaine après semaine, à leur corps défendant, les
titres s’enchaînent sans douleur, les mélodies naissent, un univers
s’installe. TOUS LES FILMS ONT LA MÊME FIN est né.
Composées à deux ou quatre mains, les chansons sont toujours arrangées par
le duo, parfois épaulé par des amis (Monsieur Chou, David Milh, Mathias
Fisch, Guillaume Guet). Elles sont tantôt sombres et désespérées (Les amis
de mes amis, Il faut que je me venge, Un faux mouvement), tantôt plus
légères (Les lucioles), mais toujours au plus près d’une réalité qui ne se
laisse pas saisir. Le groupe ne s’en tient pas là, proposant aussi une
relecture enthousiaste et sans ironie déplacée des codes de la chanson
populaire (Ce genre de baiser-là), et il n’hésite pas à se montrer
subtilement mordant devant l’absurdité du quotidien (Rendez-vous normal, Le
magasin).
Autant
de virages, négociés avec une facilité déconcertante, qui aiguisent
l’appétit de l’auditeur : que va-t-il se passer avec la chanson suivante ?
Le phénomène s’explique sans doute par une diversité qui sait ne pas
s’éparpiller, une originalité sans pose et des textes aux antipodes de
l’indigence. Le tout, bien sûr, saupoudré d’une innocence pointant sous la
chape de noirceur. Une soif inextinguible de sons, de mots et d'images les
pousse à ne jamais refaire deux fois la même chanson. Le risque : créer une
suite décousue, petit train rigide de citations creuses et désarticulées,
énième patchwork se cognant la tête aux parois du bocal. Mais ici, le verre
se brise, et la candeur emporte la mise.
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